L’arrêt du 24 octobre 2012 de la première chambre civile de la Cour de Cassation (n° pourvoi 11-18849) semble imposer aux juridictions inférieures d’être vigilantes aux demandes de l’enfant formulées dans le cadre de la procédure de divorce de ses parents.
En effet, le divorce a pour conséquence une réorganisation du mode de vie de l’enfant qui va habiter, du fait de cette procédure, la majeure partie du temps avec un seul de ses parents dans le cas du droit d’hébergement « classique », ou se partager entre deux résidences lorsqu’a été mis en place une garde alternée.
Cette séparation conjugale, sans doute douloureuse pour l’enfant, peut l’être encore davantage lorsqu’elle s’accompagne de décisions qui lui ont été imposées par un magistrat (dont il ignore tant) et qu’elles viennent en opposition de la volonté du mineur, ou pire encore qu’elles sont contraire à son bien-être.
Certes, la convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant avait déjà énoncé que l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale.
La loi n°93-22 du 8 janvier 1993 avait alors instauré pour le mineur capable de discernement la possibilité d’être entendu par le juge dans toutes les procédures le concernant (Alinéa 1er de l’article 388-1 du Code Civil).
Dans le cadre de la fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale en raison de la séparation des parents, le Juge aux Affaires Familiales se doit, notamment, de prendre en compte « 2°- les sentiments exprimés par l’enfant mineur » en vertu de l’article 373-2-11 du Code Civil.
Néanmoins, le recours à la notion « d’enfant capable de discernement » pour envisager de procéder à son audition pose des difficultés en pratique étant donné l’absence d’âge minimum requis, ce qui implique une appréciation au cas par cas par les juges du degré de maturité que doit avoir l’enfant pour être entendu.
Pour éviter cependant de laisser une trop large marge de manœuvre au juge, le législateur a prévu également que lorsque la demande d’audition émane du mineur lui-même, le magistrat ne peut lui opposer un refus que s’il est fondé exclusivement sur deux motifs (Alinéa 1er de l’article 388-4 du Code de Procédure Civile). Le premier est que l’enfant ne bénéficie pas d’une capacité de discernement suffisante pour qu’il soit procédé à son audition par le magistrat. Le second est basé sur le fait que la procédure en cours ne le concerne pas.
Il a été précisé encore que la demande d’audition du mineur peut être faite en tout état de la procédure et même pour la première fois en cause d’appel (Article 338-2 du Code de Procédure Civile).
Pour autant, on constate que les magistrats refusent d’entendre les enfants dans le cadre de la procédure de divorce de leurs parents en ne livrant pas suffisamment les motifs de ce refus. Ainsi, une réponse claire à la demande de l’enfant n’est pas fournie par le juge.
Pis encore, les magistrats du fond ont refusé cette audition de l’enfant pour des motifs non prévus par le législateur tels que la réception d’une demande « tardive » de l’enfant qui aurait lieu en cours de délibéré de la juridiction. La Cour de Cassation a donc sanctionné cette position jurisprudentielle (Civ. 1er, 18 mai 2005, n°pourvoi 02-20613).
Ainsi, l’arrêt du 24 octobre 2012 rendu par la Cour de Cassation rappelle à nouveau, d’une part, que lorsque la demande d’audition provient de l’enfant elle est de droit, même si ladite requête du mineur est reçue par la Cour d’Appel le lendemain de l’audience de plaidoirie.
D’autre part, la Cour de Cassation précise qu’une précédente audition de l’enfant par le Juge aux Affaires Familiales, datant de trois années avant l’audience de plaidoirie devant la Cour d’Appel, n’est pas un motif de refus qui peut être opposé au mineur.
Cette décision du 24 octobre 2012 doit être saluée à deux degrés:
- En premier lieu, elle impose une stricte application des textes de loi relatifs à l’audition de l’enfant, ce qui permet de s’assurer que ses intérêts sont préservés et primordiaux;
- En second lieu, elle est socialement juste parce qu’elle permet à l’enfant, plusieurs années après avoir été déjà auditionné par un magistrat, d’exprimer une opinion différente dans le mode de vie qui lui conviendrait à la suite de la séparation de ses parents.
Pour conclure, il ne faut pas hésiter à encourager le mineur dans sa démarche de demande d’audition par le magistrat dans le cadre d’une procédure de divorce afin que son choix de vie soit entendu et qu’ainsi ses intérêts priment lors de la séparation de ses parents.